III

 

La petite véliballe couinante rebondit sur le mur de marque et vola droit sur Genar-Hofoen. Les moignons d’ailes de la créature battirent frénétiquement dans l’atmosphère tandis qu’elle essayait de se redresser pour s’échapper. L’un de ses moignons était déchiré, peut-être cassé. Elle incurva sa trajectoire à l’approche de l’humain. Celui-ci porta sa batte en arrière, puis en frappa la petite créature à toute volée. Elle s’éloigna en criaillant et en tournoyant. Il avait visé le mur de marque, mais la batte n’avait pas frappé tout à fait au bon endroit, et la véliballe avait acquis un effet qui dévia sa course vers l’angle situé entre le mur de marque et l’écran hors-jeu de droite. Merde ! se dit-il. La véliballe s’agitait dans l’air pour obliquer encore plus vers le hors-jeu.

Quintidal s’élança. D’un revers de sa batte attachée à l’un de ses membres antérieurs, avec un « han ! » sonore, il renvoya la véliballe vers le centre du mur de marque. Elle s’écrasa contre le rondeau et ricocha sous un angle tel que Genar-Hofoen savait qu’il n’avait aucune chance de l’intercepter. Il plongea cependant dans sa direction, la créature passa à cinquante centimètres du bout de sa batte tendue. Il tomba et roula sur le sol tandis que la gélicombe se tendait et se gonflait autour de lui pour absorber le choc. Il se ressaisit et regarda, assis, autour de lui. Il respirait très fort et son cœur battait à se rompre. Jouer contre un humain n’aurait pas été facile sous cette gravité affrontière. Mais jouer contre un Affronteur, même si celui-ci avait sportivement attaché la moitié de ses membres dans ce qui lui servait de dos, était encore plus dur.

— Inutile d’insister ! rugit Quintidal en se dirigeant vers l’endroit où la véliballe gisait inerte au fond du court.

En passant devant Genar-Hofoen, il glissa un tentacule sous son menton pour le relever. Le geste était presque certainement amical, mais aurait pu lui briser le cou s’il n’avait été protégé par sa combi. Genar-Hofoen se trouva propulsé comme un caillou d’une catapulte et vola vers le plafond en agitant désespérément les bras.

Imbécile ! fit sa combi.

Genar-Hofoen, qui avait atteint le point culminant de sa trajectoire, supposa que cela s’adressait à Quintidal. Un tentacule s’enroula autour de sa taille comme un fouet.

— Désolé ! lui dit Quintidal en le déposant au sol avec une douceur inattendue. Tu connais le dicton, hein ? La sagesse appartient à celui qui connaît sa force quand il se donne du bon temps.

Il lui assena une tape modérée sur la tête, puis continua de s’avancer vers la véliballe inanimée. Il la fit bouger du bout de sa batte.

— Ils ne les font plus comme avant, dit-il en laissant entendre le bruit que Genar-Hofoen avait appris à intercepter comme un soupir.

Sac à merde ! Tentaculé de mes deux ! fit la combinaison.

~ Combi ! Voyons ! pensa Genar-Hofoen, plutôt amusé.

Euh…

La combi n’était pas de très bonne humeur. Elle et lui étaient beaucoup trop ensemble, depuis quelque temps. Elle n’avait pas confiance dans le champ de confinement qui entourait Genar-Hofoen à bord du vaisseau, et insistait pour que l’humain la porte, même dans son sommeil. Il avait protesté, mais seulement pour la forme ; il y avait trop de drôles d’odeurs dans la partie du vaisseau qui lui était réservée pour qu’il ait tout à fait confiance dans les installations affrontières de support de vie humaine. Le plus que sa gélicombe l’autorisait à faire la nuit était de rabattre sa capuche pour pouvoir dormir la tête à l’air ; de cette manière, même si l’environnement défaillait soudain totalement, la combi pourrait le protéger.

Quintidal souleva la véliballe du bout de sa batte et la fit voler par-dessus le mur transparent du court, dans les rangées de sièges des spectateurs. Puis il donna un grand coup dans le mur, pour réveiller le castrat assoupi à l’autre extrémité.

— Remue-toi un peu, bouille molle ! hurla-t-il. Une autre véliballe, amorti !

L’Affronteur neutre ado sauta sur ses tentacules, ses tiges oculaires oscillant frénétiquement, puis ramassa avec un tentacule une petite cage posée par terre à côté de lui tandis qu’un autre de ses membres ouvrait une porte encastrée dans le mur du court. Il prit une véliballe parmi la douzaine que contenait la cage et tendit la créature gigotante à l’Affronteur, qui la saisit en se penchant et en soufflant vers l’ado terrorisé. Ce dernier s’empressa de refermer la porte.

— Ha ! s’exclama Quintidal en portant la véliballe attachée à son avant-bec pour couper la ficelle qui l’immobilisait. Une autre partie, Genar-Hofoen ?

Il recracha le bout de ficelle sectionné et tapota la véliballe avec un de ses membres pendant que le petit animal dépliait ses moignons d’ailes.

— Pourquoi pas ? répondit froidement l’humain.

Il était dans un état proche de l’épuisement, mais il ne l’aurait pour rien au monde avoué à Quintidal.

— Neuf à zéro en ma faveur, je crois, dit l’Affronteur en levant la véliballe à hauteur de ses yeux. Je sais ce qu’on va faire pour rendre la partie plus intéressante, ajouta-t-il.

Il déposa la créature qui se débattait sur l’extrémité de son avant-bec, courbant ses tiges oculaires pour mieux voir ce qu’il faisait. Il y eut un mouvement délicat dans sa région ciliaire, puis on entendit un léger grattement suivi d’un plop.

Quintidal retira la créature de son bec pour l’inspecter d’un air apparemment satisfait.

— Et voilà, déclara-t-il. Ça change un peu, de jouer avec une balle aveugle.

Il jeta la créature ébouriffée et piaulante à Genar-Hofoen, en lui disant :

— À toi de servir.

 

La Culture avait un problème avec l’Affront.

L’Affront avait un problème symétrique avec la Culture, mais c’était peu de chose en comparaison ; le problème de l’Affront tenait à ce que la Culture empêchait la civilisation plus jeune de faire certaines choses qu’elle avait envie de faire ; pour la Culture, l’Affront était comme un furoncle mal placé et dont elle ne pouvait se débarrasser : l’Affront était là, et la Culture ne pouvait rien y faire, en toute conscience.

Le problème venait, à l’origine, d’un accident de topographie galactique associé à un coup de malchance et à une mauvaise chronologie.

La région mal spécifiée qui avait donné naissance aux différentes espèces entrant dans la composition de la Culture se situait à l’autre bout de la galaxie par rapport au monde natal des Affronteurs et les contacts entre les deux civilisations étaient restés longtemps épisodiques pour toute une série de raisons très banales. Lorsque la Culture en était venue à mieux connaître l’Affront – peu après la longue parenthèse de la guerre idirane –, cette dernière civilisation était en pleine maturation et en expansion rapide. Sauf à se lancer dans une nouvelle guerre, il n’y avait pratiquement aucun moyen de réformer rapidement la nature ou le comportement des Affronteurs.

Certains Mentaux de la Culture avaient préconisé, à l’époque, une guerre éclair comme seul moyen de régler la situation, mais ils savaient, depuis le début, qu’ils n’avaient aucune chance de faire triompher leurs vues ; la Culture avait beau avoir atteint le sommet d’une puissance militaire qu’elle n’avait jamais pensé approcher au début de ce long et terrible conflit, il n’en existait pas moins, à tous les niveaux, une solide détermination – maintenant que l’expansion idirane avait été stoppée – à redescendre des hauteurs martiales où la guerre l’avait hissée, et à ne plus jamais essayer d’y remonter. Malgré l’avis des Mentaux en question, qui affirmaient qu’une offensive massive et brutale ferait du bien à toutes les parties intéressées – y compris aux Affronteurs eux-mêmes, et pas seulement à la longue, mais immédiatement – les vaisseaux de guerre de la Culture avaient été désarmés, désactivés, débités en composants, stockés ou démilitarisés par dizaines de milliers à la grande joie de trillions de citoyens qui se félicitaient d’avoir bien fait leur travail et de pouvoir retourner, avec l’esprit tranquille des véritables amoureux de la paix, aux plaisirs sans retenue de toutes les merveilles récréatives qu’une société résolument hédoniste comme la Culture avait à offrir.

Il n’y avait probablement jamais eu de moment moins propice que celui-là pour préconiser une nouvelle guerre, et le débat s’enlisa rapidement. Mais le problème demeurait.

Une partie de la question venait de ce que l’Affront avait la déroutante habitude de traiter toutes les autres espèces qu’il rencontrait soit avec une suspicion totale, soit avec un mépris amusé, selon que la civilisation en question était en avance ou en retard sur lui dans son développement technologique.

Il y avait bien une espèce intelligente, les Padressahls, dans le même secteur de la galaxie que l’Affront, qui avait suffisamment de points communs avec lui, en termes d’évolution et d’aspect physique, pour être traitée presque avec de l’amitié par les Affronteurs ; cette espèce avait une éthique suffisamment voisine de celle de la Culture pour estimer qu’il valait la peine de chaperonner l’Affront auprès des autres civilisations locales. Le grand mérite des Padressahls était d’avoir essayé, depuis plus de siècles qu’ils ne tenaient à s’en souvenir ou qu’ils ne voulaient bien l’admettre, d’inciter brièvement l’Affront à adopter un comportement qui puisse passer, même de très loin, pour relativement décent.

C’étaient les Padressahls qui avaient donné leur nom aux Affronteurs ; à l’origine, ils s’appelaient les Issoriles, du nom de leur planète Issoril. Ils les avaient baptisés ainsi à la suite d’une aventure survenue à une mission commerciale des Padressahls sur Issoril – dont les délégués avaient été traités comme des denrées alimentaires – et le mot « affront » avait été lâché, comme une insulte, mais les Issoriles, étant ce qu’ils étaient, avaient trouvé que le nom sonnait mieux que le leur. Ils avaient refusé de l’abandonner, même après avoir conclu une alliance assez floue avec les Padressahls, de protégé à suzerain.

Toutefois, un siècle après la fin de la guerre idirane, les Padressahls avaient eu ce que la Culture considérait comme le mauvais goût de se Sublimer. Ils avaient demandé à entrer dans l’Ancienneté Avancée à un moment fort inopportun, lâchant allègrement la laisse à leurs protégés moins mâtures qui aboyaient au passage de la longue caravane de la Culture engagée sur la route (volontaire ou non) du progrès, en mordant même avec sauvagerie plusieurs espèces voisines moins développées que personne, pour leur propre bien, n’avait encore jugé utile de contacter.

Certains Mentaux de la Culture, parmi les plus cyniques, étaient allés jusqu’à suggérer, sans que leur opinion soit totalement acceptée ni réfutée, que la décision des Padressahls d’appuyer sur le bouton de l’hyperespace conduisant en droite ligne à une divinité du type « adieu-et-après-moi-le-déluge » avait été entraînée en partie, sinon principalement, par leur frustration et leur indignation devant la nature affreusement incorrigible des Affronteurs.

Quoi qu’il en soit, à la fin, après maintes mimiques et gesticulations de tentacules, après une subvention habilement amenée sous couvert de coopération technologique (au moyen de ce que les Services Affrontiers de Renseignement considéraient encore joyeusement mais naïvement comme un vol technologique éhonté de leur part), après s’être pris la tête (ou toute autre région anatomique considérée comme appropriée), après avoir été copieusement arrosé (selon des méthodes qui répugnaient aux Mentaux raffinés de la Culture – dont les goûts se situaient généralement à des niveaux d’intrigue plus élevés – mais qui étaient sans conteste efficaces), l’Affront avait – en ruant quelque peu dans les brancards, il est vrai – été finalement plus ou moins persuadé de rejoindre la grande communauté de la métacivilisation galactique ; les Affronteurs avaient accepté de se conformer la plupart du temps aux règlements ; à contrecœur, ils avaient admis que d’autres êtres qu’eux puissent avoir des droits, ou tout au moins des désirs à la rigueur excusables (comme ceux afférents à la vie, la liberté, l’autodétermination et ainsi de suite) qui pouvaient occasionnellement prendre le pas sur les prérogatives parfaitement naturelles, démontrablement justifiées, et même, pourquoi pas, sacrées, autorisant les Affronteurs à aller partout où bon leur semblait et à faire tout ce qu’ils avaient envie de faire, de préférence en s’amusant un peu, par la même occasion, sur le dos des indigènes.

Tout cela, malgré tout, ne représentait qu’une solution partielle à la partie la moins irritante du problème. Si l’Affront avait simplement été une espèce expansionniste de plus, incapable d’établir un bon contact, composée d’aventuriers immatures mais technologiquement limités, le problème qu’il posait à la Culture aurait été ravalé à un niveau susceptible de passer plus ou moins inaperçu. Il aurait simplement fait partie de la masse informe des espèces inventives mais coriaces qui luttent pour faire entendre leur voix dans le grand vide qu’est la galaxie.

Mais le problème était bien plus profond. Il remontait très loin, il était plus intrinsèque. Le problème, c’était que l’Affront avait passé des millénaires sans nombre, bien avant de quitter sa planète-lune natale enrobée de vapeurs, à trafiquer et à altérer méthodiquement la flore et surtout la faune de son environnement. Les Affronteurs avaient découvert, à un stade relativement précoce de leur développement, la manière de changer la configuration génétique non seulement de leur propre espèce – qui, par définition, ne nécessitait que peu d’amendements, étant donné sa supériorité manifeste –, mais également des créatures avec lesquelles ils partageaient leur monde.

En conséquence de quoi les créatures en question avaient toutes été modifiées au gré des Affronteurs, principalement pour leur servir d’amusement et de souffre-douleur. Un Mental de la Culture avait un jour décrit le résultat comme un holocauste sans fin de tortures et de terreurs.

La société affrontière reposait sur une énorme base de castrats juvéniles impitoyablement exploités et sur une sous-classe de femelles opprimées qui, à moins d’être nées dans les meilleures familles – et sans garantie certaine, même dans ce cas –, pouvaient s’estimer heureuses si elles n’étaient violées que par les membres de leur propre tribu. Un fait considéré comme significatif, par la Culture, sinon ailleurs, était que l’un des rares traits de leur héritage génétique que les Affronteurs avaient jugé souhaitable de modifier concernait justement l’acte sexuel, qu’ils avaient rendu beaucoup moins attrayant et plus douloureux pour leurs femelles que la nature ne l’avait prévu ; c’était, disaient-ils, pour favoriser l’espèce au détriment du plaisir égoïste et impétueux de l’individu.

Lorsqu’un Affronteur partait chasser les arboriclopes, les membricules, les parapoux ou les écorches artificiellement engraissés qui constituaient ses gibiers favoris, c’était dans un chariot volant poussé par des animaux appelés vifdailes qui vivaient dans un état de perpétuel effroi, leurs systèmes nerveux et leurs récepteurs de phéromones ayant été minutieusement réglés pour réagir par une terreur croissante et un désir de fuir augmenté à mesure que leurs maîtres de plus en plus excités exsudaient plus fortement les odeurs résultantes.

Les proies elles-mêmes étaient artificiellement terrifiées à la seule vue des Affronteurs, et ainsi conduites à des manœuvres encore plus désespérées dans leur envie frénétique de s’échapper.

Les Affronteurs ne se nettoyaient la peau qu’avec l’aide de petits animaux appelés xysters. Leur efficacité avait été grandement améliorée lorsqu’on leur avait inculqué un tel appétit pour les cellules épidermiques mortes des Affronteurs que, sauf à être terrassés par la fatigue, ils avaient tendance à s’en repaître au point d’éclater littéralement.

Même les animaux de boucherie habituels des Affronteurs avaient depuis longtemps été déclarés de bien meilleure saveur lorsqu’ils présentaient des signes de stress extrême et les Affronteurs les avaient modifiés pour qu’ils soient réceptifs à l’angoisse – et les élevaient dans des conditions soigneusement calculées pour intensifier cet effet – si bien qu’ils produisaient ce que n’importe quel Affronteur méritant son méthylacétylène reconnaissait comme la chère la plus savoureuse qui existât de ce côté-ci d’un horizon des événements.

Les exemples ne manquaient pas ; en fait, quand on examinait de près leur société, il était presque impossible d’éviter de rencontrer des manifestations de leur usage délibéré, et même artistique, de manipulations génétiques destinées à produire, sous la pression d’un égoïsme aussi exubérant que déplacé – pour eux, impossible à distinguer d’un altruisme authentique –, des résultats qui auraient exigé de la plupart des sociétés des sommets de perversion suicidaire.

Chaleureux mais horrible, tel était l’Affront. Il avait un dicton pour cela : « Le progrès par la douleur. » Genar-Hofoen l’avait même entendu de la bouche de Quintidal. Il ne se souvenait pas exactement des circonstances, mais il avait dû être suivi d’un « ho ! ho ! ho ! » sonore.

L’Affront sidérait la Culture tant il semblait impossible à réformer, tant son attitude et sa moralité abominables semblaient prémunies contre tout remède. La Culture avait proposé des machines pour exécuter les travaux pénibles réservés aux jeunes castrats, mais les Affronteurs avaient éclaté de rire ; ils pouvaient aisément en fabriquer eux-mêmes, mais où serait l’honneur d’être servi par une simple machine ?

De même, les tentatives de la Culture pour persuader l’Affront qu’il existait d’autres méthodes, pour contrôler la fertilité et l’hérédité familiale, que celles qui consistaient à emprisonner virtuellement, mutiler génétiquement et violer systématiquement leurs femelles, ou pour consommer de la viande cultivée dans des cuves – en lui donnant un goût meilleur encore que la vraie –, ou encore pour leur offrir des versions non intelligentes-conscientes des animaux qui leur servaient de gibier, s’étaient heurtées à des fins de non-recevoir railleuses même si elles n’étaient pas dépourvues d’une brutale bonne humeur.

Genar-Hofoen aimait tout de même les Affronteurs, qu’il en était venu à admirer pour leur dynamisme et leur enthousiasme ; il n’avait jamais réellement souscrit à la croyance standard de la Culture selon laquelle toute forme de souffrance était foncièrement mauvaise ; il acceptait l’idée qu’un certain degré d’exploitation était inévitable au sein d’une culture en voie de développement, et rejoignait l’école de pensée selon laquelle l’évolution – ou du moins les pressions qu’elle exerçait – devait poursuivre son cours chez les espèces civilisées, contrairement au choix qu’avait fait la Culture de la remplacer par une sorte de stase physiologique assortie d’une liste d’options et faisant l’objet d’un consensus plus ou moins démocratique tout en abandonnant le véritable contrôle de la société à des machines.

Non que Genar-Hofoen détestât la Culture ou lui voulût spécialement du mal sous sa forme présente ; il était profondément satisfait d’en faire partie plutôt que d’appartenir à une autre espèce humanoïde où l’on souffrait, procréait et mourait pour solde de tout compte ; mais il ne se sentait pas tout le temps à l’aise dans la Culture. C’était une mère patrie qu’il avait envie de quitter en sachant qu’il pourrait toujours y revenir s’il en éprouvait le désir. En fait, il voulait vivre une vie d’Affronteur, et non pas seulement en simulation, si réaliste qu’elle fût. De plus, il avait envie de se rendre là où la Culture n’était jamais allée. Il voulait explorer, quoi.

Aucune de ces deux ambitions ne lui semblait excessive, mais il avait, jusqu’à présent, été frustré sur les deux tableaux. Il avait cru déceler un léger mouvement du côté affrontier juste avant que survienne l’affaire du Couchettes, mais à présent, s’il fallait en croire les parties concernées, il pouvait obtenir plus ou moins ce qu’il désirait, et sans concession majeure de sa part.

Il trouvait même cela louche. Circonstances Spéciales n’était pas connu pour distribuer des chèques en blanc. Il se demandait s’il était en train de devenir parano ou s’il avait vécu trop longtemps parmi les Affronteurs (aucun de ses prédécesseurs n’avait tenu plus de cent jours, et il avait déjà passé près de deux ans chez eux).

De toute manière, la prudence était de mise. Il avait posé des questions à tout le monde. Il lui manquait encore quelques réponses – elles l’attendraient sans doute à son arrivée aux Gradins – mais, jusque-là, tout semblait régulier. Il avait également demandé à parler à une représentation du VSM de classe Désert Inventé Ailleurs, qui faisait office de coordonnateur d’incident dans toute cette affaire – là encore, cela se réglerait sans doute aux Gradins – et il avait recherché les antécédents du vaisseau dans les archives du module et transféré les résultats dans l’IA de sa combinaison.

La classe Désert avait été le premier type de Véhicule Système Général construit par la Culture, ouvrant la voie au concept de Vaisseau Autonome Rapide de Très Grande Taille. Avec ses trois mille et quelques mètres de long, c’était un moustique au regard des standards d’aujourd’hui (des vaisseaux deux fois plus longs et huit fois plus volumineux étaient couramment construits dans les chantiers de VSG de la taille de Service Couchettes, et la classe entière avait été rétrogradée au statut de Véhicule Système Intermédiaire), mais le vaisseau n’en conservait pas moins la distinction de l’âge ; Inventé Ailleurs était en service depuis près de deux millénaires et il se flattait d’avoir eu une longue et prestigieuse carrière, parvenant aussi près du cercle de commandement de plusieurs flottes que le permettait la structure militaire démocratique et distribuée de la Culture pendant la guerre contre les Idirans. Il était à présent dans le même état de sénescence glorieuse et sereine que certains Mentaux très anciens ; il ne produisait plus beaucoup de petits vaisseaux, il prenait assez peu part aux affaires courantes de Contact, et maintenait sa population à un niveau relativement bas.

C’était toujours, néanmoins, un vaisseau de la Culture à part entière ; il n’avait pas pris de congé sabbatique, n’avait pas choisi la retraite, n’était pas devenu un Excentrique et n’avait pas rejoint les rangs de l’Ultériorité de la Culture, le nom récent à la mode que l’on donnait aux fragments de la Culture qui s’en étaient écartés et n’étaient plus vraiment des membres du club à jour de leurs cotisations. Quoi qu’il en fût, malgré l’étendue des informations livrées par les archives sur le vieux vaisseau (elles contenaient, en plus des données factuelles brutes, cent trois biographies complètes, entièrement différentes du vaisseau, qu’il lui aurait fallu quelques années pour lire), Genar-Hofoen ne pouvait s’empêcher de penser qu’Inventé Ailleurs était nimbé d’une aura de mystère.

Il lui était, en outre, venu à l’esprit que les Mentaux écrivaient peut-être les uns sur les autres de volumineuses biographies uniquement pour ensevelir les rares noyaux de vérité potentiellement utile ou embarrassante sous une montagne d’élucubrations.

Il y avait également dans les archives quelques affirmations incontrôlées, issues de petits journaux et revues d’information ou d’opinion indépendants – émanant parfois d’une seule personne – selon lesquelles le VSM appartiendrait à une mystérieuse et obscure cabale, et ferait partie d’une conspiration de très vieux vaisseaux visant à assumer le contrôle de situations susceptibles de menacer la confortable métahégémonie proto-impérialiste de la Culture ; des situations qui prouvaient sans l’ombre d’un doute, disaient ces articles, que les processus politiques prétendus normaux de la démocratie n’étaient rien d’autre qu’une supercherie étatiste totale et que les humains – avec, bien entendu, leurs cousins les drones, dupes comme eux du complot dirigé par les Mentaux – avaient encore moins de pouvoir qu’ils ne le pensaient dans la Culture.

Il y avait des pages et des pages de cet acabit. Genar-Hofoen les lut jusqu’à ce que la tête lui tourne, puis s’arrêta ; il y avait un moment où, si une conspiration était à ce point puissante et subtile, il devenait inutile de s’en inquiéter.

N’importe comment, le vieux VSM lui-même ne devait pas très bien contrôler la situation dans laquelle il s’était laissé entraîner. C’était la partie émergée de l’iceberg, représentant un rassemblement, sinon une cabale, d’autres Mentaux intéressés et pleins d’expérience, qui allaient tous avoir leur mot à dire en réaction immédiate à la découverte de l’artefact de la région d’Esperi.

En même temps que sa demande d’entretien avec un état de personnalité d’Inventé Ailleurs, Genar-Hofoen avait adressé des messages à des vaisseaux, des drones et des gens qu’il connaissait et qui avaient leurs entrées aux CS, pour leur demander si ce qu’il avait lu ou entendu était vrai. Quelques-uns, les plus proches, lui avaient répondu avant son départ de l’habitat du Trou de Dieu. Ils confirmaient que cela correspondait à ce qui leur avait été dit, avec, naturellement, quelques variations en fonction de ce que les Mentaux représentés par Inventé Ailleurs avaient choisi de livrer à chacun des individus concernés. Les informations qu’il possédait paraissaient authentiques, et le marché qu’on lui avait offert semblait avantageux. De toute manière, avant qu’il arrive aux Gradins et reçoive toutes ses réponses, il estimait qu’il y aurait assez de gens et de Mentaux, pas forcément liés indissociablement aux CS, qui auraient entendu parler du marché proposé, pour qu’il devienne impossible aux CS de reculer sans perdre exagérément la face.

Il était plus que jamais persuadé que cette affaire allait beaucoup plus loin que ce qui lui avait été indiqué et il ne doutait pas que l’on continuât à l’utiliser et à le manipuler. Mais si le prix qu’on le payait était convenable, cela ne le tracassait pas outre mesure. Ce qui était sûr, c’était que la mission proprement dite semblait relativement simple.

Il avait pris la précaution de vérifier l’histoire que lui avait racontée son oncle sur le soleil disparu vieux d’un trillion d’années et sur l’artefact en orbite. Elle était confirmée ; il y avait, enfoui dans les archives, un récit plus ou moins mythologique à ce sujet, faisant partie de tout un lot d’épisodes frustrants parce que invérifiables. Personne ne semblait capable de dire exactement ce qui s’était passé en la circonstance. Et il n’y avait plus personne, naturellement, à interroger. Personne, sauf la dame qu’il allait justement rencontrer.

Le commandant du vaisseau Enfant à Problèmes, effectivement, était une femme, Zreyn Tramow. Commandante Honoraire de Contact Gart-Kepilesa Zreyn Tramow Afayaf dam Niskat-west, pour lui donner son titre officiel et son Nom Complet. Sa photo figurait dans les archives. Elle paraissait digne et capable, le visage étroit et pâle, les yeux rapprochés, des cheveux blonds d’un centimètre de long, des lèvres fines mais souriantes. Un éclat d’intelligence, pensait-il, animait son regard. Dans l’ensemble, il la trouvait sympathique.

Il s’était demandé quel effet cela devait faire de rester Stockée durant deux mille ans et plus pour être réveillée, sans corps à réintégrer, par un inconnu qui voulait vous poser des questions. Et vous voler votre âme.

Il avait contemplé la photo un moment, essayant de percer le regard de ces yeux bleus moqueurs.

 

Ils firent deux autres parties de véliballe. Quintidal les gagna aussi. Genar-Hofoen en demeura pantelant d’épuisement. Mais le moment était venu de faire un peu de toilette pour se rendre au mess des officiers, où l’on donnait ce soir-là un banquet solennel pour fêter l’anniversaire du commandant Kindrummer VI. Les célébrations durèrent une bonne partie de la nuit. Quintidal apprit à l’humain un bon nombre de chansons obscènes, et Genar-Hofoen ne fut pas en reste. Deux Pilotes d’Élite de la Force Atmosphérique se livrèrent à un duel semi-sérieux à coups de grattes. Le sang coula, mais aucun membre ne fut tranché et l’honneur fut satisfait. Genar-Hofoen se livra à une démonstration de funambulisme au-dessus de la fosse de table du commandant pendant que les carnouilles hurlaient sous lui. La combinaison lui jura qu’elle n’était pour rien dans son exploit, mais il était sûr qu’elle l’avait rétabli à deux reprises. Il s’abstint néanmoins de tout commentaire.

Autour d’eux, Embrasse ma Lame et ses deux escorteurs fendaient les espaces interstellaires en direction de l’habitat des Gradins.

Excession
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